Red Beth






Pour Frédérique...



Beth Garreth, une jolie rousse de 22 ans, est dans une boulangerie. Elle est un peu en retrait, car elle attend sa commande en naviguant sur son cellulaire.

 Elle porte un gros manteau d’hiver pourpre sur un débardeur au décolleté plongeant mettant en valeur une poitrine généreuse.

 La mini-jupe sur des bas noirs déchirés finit cette tenue plutôt atypique. Ses yeux sont soulignés de noir et son teint est vert-de-gris. Elle a l’air d’un cadavre.

 La boulangère porte sur son visage un air de désolation pour cette génération outrageuse qu’elle comprend de moins en moins.

Beth, tu n’as pas froid dans cette tenue? Tu aurais pu trouver autre chose comme déguisement que prostituée.

 Beth lève la tête de son écran en plissant les yeux. Elle voudrait lui expliquer, mais c’est compliqué.

T’inquiètes pas Maman. Je vais bien. Et je suis déguisée en Zombie.


***

 Dans une salle de sport, Beth en jogging est sur un tatami. Elle vient d’esquiver un coup de sa partenaire qui voulait lui casser le nez. Elle attrape son poignet et par une pression, elle renverse son adversaire qui se retrouve bloquée au sol.

 Elle relâche son emprise et regagne un coin de l’arène.

 Son adversaire se relève pour regagner le coin opposé.

 Elles se saluent avant de quitter les lieux.

 Sur le trajet des douches, Jake Mackenvitz vient apporter une serviette à Beth. C’est un garçon grand et mince avec des cheveux mi-longs, portant des jeans et un t-shirt trop grand. Le style adolescent mal dans sa peau.

 Beth lui arrache la serviette des mains sans un sourire.

  Il suffit de dire merci, dit-il.
  Lâche-moi Jake.
  On est liés, ne l’oublie pas, répond-il d’un air mutin. On fait ménage à trois.

 Elle lui lance un regard noir pendant que Judith arrive près d’eux.

  Qu’est-ce qui se passe? lance-t-elle à Jake.
  Rien. Encore.
  T’es un vrai peau de colle Jake, répond Judith. Allez, on se voit tout à l’heure.

 Elles entrent dans les douches des filles. Jake est arrêté par la main de Beth à l’entrée qui lui montre le picto « Femme » sur la porte… 



   …puis lui fait un petit « bye bye » de la main avec un sourire en disparaissant derrière la porte qui se ferme.

 Jake repart dans les couloirs du gymnase l’air dépité.

 Dans les vestiaires, Beth se déshabille pour rentrer sous une grande douche ouverte.

  Il est gentil.
  Quoi? demande Beth qui a l’eau qui lui coule sur la tête.

 Judith se rapproche de la douche.

  Il est cool.
  C’est un loser.
  Il est un peu gauche.

 Beth arrête l’eau et sort nue de la douche sans aucune pudeur.

  C’est un raté Steph. Arrête de lorgner sur tous les ratés. Et on est mal barrées avec lui.

 Elle attrape sa serviette dans son casier pour se sécher.

  Tu sais ce qu’il a fait hier? Il m’a demandé comme amie sur Facebook.
  Et alors, c’est mon ami depuis un bout de temps.
  On est coloc tous les trois, Judith… Pitoyable.
  Moi je l’aime bien. Il me fait rire.

 Beth reste stoïque en la regardant.

  Pitoyable.
  Je trouve que tu as changé Beth. Quand tu nous as rencontrés, tu étais plus… humaine.

 Beth se rapproche de Judith en la fixant du regard.

  Mais c’est pas ce qui nous sauvera le moment venu. Tu devrais changer aussi, si tu veux survivre.

***
 Dans la boulangerie, Beth navigue sur l’application Tinder de son cellulaire.
Cela lui permet de rencontrer les personnes qui sont proches du lieu où elle se trouve.

 Elle fait défiler des photos de garçons en souriant des poses de certains, puis elle s’arrête sur une image qui l’interpelle. La photo est en contrejour et les rayons du soleil donnent comme une aura au jeune homme qui porte une barbichette très « fashion ».

 Elle se connecte à son profil au moment où sa mère l’appelle pour lui remettre un paquet de bonbons dans un petit sac brun.

 Tout en attrapant le sac, elle texte un message de bienvenue et l’envoie.

***
 Dans une ruelle adjacente à la boutique, un téléphone sonne.

 Peter a la tête enfouie dans le coffre d’une voiture. Il se redresse avec un téléphone à la main. Sur l’écran apparait le message de Beth.

 Il sourit et accepte d’aller voir le profil de cette jeune fille. Les photos de Beth sont très « suggestives » et aguicheuses.

Hello, beauté, dit Peter pour lui-même.

 Il referme le coffre et s’installe au volant d’une grosse berline noire. Il renvoie un message à Beth :



 Peter hoche la tête avec un petit sourire.


 Beth regarde dehors où il neige à gros flocons… comme chaque fois pour la nuit de l’Halloween. Cela crée une certaine ambiance, mais c’est embêtant pour réussir son costume.

Quelques instants plus tard, la limousine noire s’arrête devant la boutique.

La vitre côté passager s’abaisse dans un discret sifflement électrique.
 
Beth sort de la boutique pour courir vers la voiture. Elle monte.
 
Wouaou! Quel temps!

Peter la dévisage des pieds à la tête. Encore mieux que ce qu’il s’imaginait.
 
Beth tend les bras devant les petites bouches d’aération qui soufflent de l’air chaud.
 
Les flocons de neige fondue rendent son visage et sa poitrine luisante.
 
Elle le trouble.
 
Sa respiration s’accélère. Il a du mal à détacher son regard de ces courbes à peine dissimulées sous les vêtements.
 
Peter ferme les yeux et se crispe sur son volant en prenant une grande inspiration pour se calmer. « Cela va être le joyau de ma collection » se dit-il.
 
Il ouvre les yeux avec un grand sourire charmeur.
 
Où puis-je vous amener?
 
Beth remarque qu’elle lui fait de l’effet et, histoire d’en rajouter, ramène ses cheveux en arrière d’un mouvement de tête langoureux.
 
Roulons, c’est juste en dehors de la ville après le parc du Nord.
 
La voiture démarre en laissant deux sillons de neige écrasée derrière elle.
 
Derrière la vitrine de la boulangerie, Jake déguisé en super-héros regarde la voiture s’éloigner, puis il prend son téléphone cellulaire.

***

 Dans la voiture, Beth regarde la rue enneigée en prenant de grandes bouffées d’air, ce qui fait gonfler outrageusement sa poitrine.

Nerveuse?
Pardon?
Vous êtes nerveuse?... Ou souffrante? Vous avez l’air d’avoir du mal à respirer.

 Je viens de me disputer avec ma mère, dit-elle en jouant avec son téléphone.

 Ah!

 Elle me considère comme un bébé. J’ai 17 ans maintenant. 
 Les mères cela s’inquiète pour un rien. Par où commence-t-on?

 Chez la vieille Marguerite. Je lui apporte des bonbons pour ce soir. Par un temps pareil, elle est cloitrée chez elle. De toute façon, elle n’ose jamais quitter sa maison.
Pourquoi, elle a des choses à cacher?
À cacher? Non. Elle ne fait pas confiance aux banques, alors elle garde tout chez elle.
Une lueur vient de s’allumer dans le regard de Peter.

Dites-moi, c’est quoi qui vous branche? demande Beth.

Comme musique? On pourrait en mettre?
Heu, oui, pourquoi pas? Allez-y!

Beth commence à triturer les boutons sur le tableau de bord lorsque soudain un bruit sourd se fait entendre.


Boom.

Pas terrible, on va essayer de trouver un autre poste.
Boom
 
On dirait que cela vient de l’arrière.

Boom
 
- C’est une boite qui a dû se décrocher dans le coffre. Cela ne sera pas long.
Peter se stationne sur le bord du chemin. Il met ses feux de détresse et

descend pour se rendre au coffre.
Il ouvre le coffre, et se penche à l’intérieur.

BOOM. BOOM.

Deux grands coups secs font trembler la voiture.

Il se redresse. Se recoiffe. Il tire sur sa veste pour la remettre droite et referme le coffre.

Il revient au volant de la voiture.

Beth pianote sur son cellulaire.

Vous voulez téléphoner?

Elle lui montre son écran.

Pas de réseau. On est dans le trou du cul du monde.

Peter sourit.
La voiture avance sur la route et s’approche d’une énorme bâtisse au style colonial perdue au fond d’un parc privé.

Laissez-moi devant, je vais marcher jusqu’à l’entrée.
Vous êtes sûr, parce que...
Laissez-moi devant l’entrée. Marguerite est très suspicieuse.
OK, dans ce cas, me permettrez-vous de vous inviter à souper ce soir? Après
le ramassage des friandises.

Beth lui sourit.

- Je vais prendre ça pour un « OUI », termine Peter.

Beth sort de la voiture pour entrer par la grille du domaine.

La voiture disparait au coin de la rue, suivie par une seconde voiture dans
laquelle on reconnait Jake au volant avec Judith à ses côtés.

Sur le chemin menant à la maison, Beth regarde son téléphone.

Elle retire l’image sans réseau qu’elle avait placée en fond d’écran, puis texte :


Beth sourit.


***

Des pas s’approchent de la voiture.

Jake muni d’un arrache serrure hydropique se dirige vers le coffre. Il regarde
autour de lui et…

La serrure ne résiste pas longtemps. D’une main ferme, il ouvre le coffre.
 
Une vision d’horreur vient déformer le visage de Jake, Judith en costume de Sally (Nightmare before christmas) vient le rejoindre en replaçant sa jupe.
 
Lorsque ses yeux tombent sur cette vision de cauchemar, elle a un haut de cœur qu’elle ravale d’une main tremblante sur sa bouche. C’est le premier cadavre qu’elle voit de si proche et même si elle en a vu des dizaines en vidéo ou sur photo, le voir en vrai ne procure pas la même sensation. L’odeur âcre du sang encore chaud qui s’échappe de la plaie béante l’oblige à détourner le regard.
 
Dans le coffre git le corps d’une jeune fille, le crâne ouvert par des coups du pied biche qui se trouve encore près d’elle.

Je suis sûre qu’il y a ses empreintes dessus, dit Jake en sortant un sac plastique de sa poche. Il faut prévenir Beth qu’on tient notre malade.
 
Jake sort son téléphone en s’éloignant de la voiture. Son regard accroche les traces de Peter près de la clôture. 
Appelle le poste, je vais aider Beth.
 
Jake part sur les traces de Peter en courant. 
Non. Jake. Non! Attends.
 
Trop tard, Jake a disparu dans le petit bosquet.
 
Rageusement, Judith referme le coffre avec dégout.
 
Derrière elle, on découvre Peter.
 
Judith a à peine le temps de comprendre ce qui lui arrive.
 
Une main puissante l’attrape par les cheveux pour l’assommer contre le coffre.
 
Elle s’écroule aux pieds de Peter qui réajuste les manches de sa veste avec un détachement glacial. Il ouvre le coffre.
 

***

Jake suit les traces de pas dans la neige se faufilant entre les arbres.
 
Il arrive face à l’orée du bois, devant lui se dresse la bâtisse.
 
Les traces de pas ne se dirigent pas vers la maison, mais bifurquent pour revenir en arrière.
 
Jake hésite.
 
Bing

Il regarde son téléphone :


 

Jake se dirige vers la demeure. À pas feutrés, il s’approche d’une fenêtre pour regarder à l’intérieur.
 

Il fait noir et il a du mal à distinguer les formes. Dans le reflet de la vitre, il aperçoit une ombre derrière lui.
 

- Judith baisse-t… murmure-t-il en se retournant.
 

Un coup vient s’abattre sur sa tempe.
 

Il tombe inconscient dans la neige.

***

Beth monte les marches du perron de l’entrée.



Pas de réponse.Beth est devant la porte d’entrée, la main sur la poignée, se demandant si elle doit entrer ou non.













- Crétin, soupire Beth.

 
 



Beth fronce les sourcils. Elle ouvre la porte et pénètre dans la demeure.

Il fait noir dans la pièce et d’une main tâtonnante, elle essaie de trouver l’interrupteur lorsqu’elle voit deux yeux lumineux au fond du hall d’entrée.
 

Bing.

Un message vient d’arriver sur son téléphone.


- Alors quoi ?




Elle relève la tête pour voir Peter, muni de lunettes de nuit, lui montrer le téléphone de Jake.
 


Soudainement, un objet lourd s’abat contre la tempe de Beth qui sombre dans l’inconscience.

***

 Beth étant plongée dans un sommeil forcé, ses pensées vagabondent. Elle retourne au Commissariat de police peu de temps après avoir eu son affectation. Jeune recrue, elle ne connait personne et personne ne la connait. C’est pour cela que le commissaire a demandé à la rencontrer.
 

Elle entre dans un bureau où un homme d’un certain âge est assis.
Une plaque à moitié cachée par tout un tas de dossiers fait mention du « Capitaine J.T.Hubard ».
 

Beth se positionne bien droite devant lui et le salue avec tous les égards dus à
son rang.
 

- Repos recrue. Beth, je vais vous parler franchement, ce n’est pas mon idée. Mais vous êtes nouvelle ici et certains ont eu une idée pour attraper notre prédateur de la pleine lune.
 

Le Capitaine prend une grande enveloppe brune et déverse ce qui s’y trouve sur son bureau. Il attrape un cellulaire qu’il donne à Beth.

- Tenez, dorénavant vous vous servirez uniquement de ce téléphone. Il est muni d’un dispositif de pistage. Vous allez devenir une de ces jeunes ados prêtes à tout pour flirter. 

***

Ses yeux tentent de s’ouvrir, mais il est trop tôt.

Elle a l’impression de se déplacer, mais elle ne marche pas. Elle glisse sur le sol, non, en fait, on la traine sur le sol.

Le coup sur la tête était vraiment violent. Elle n’arrive pas à reprendre ses esprits, elle reste dans sa mémoire.


***

 Le commissaire lui donne rendez-vous dans un motel crasseux aux abords de la ville. Une vieille piscine creusée en béton craquelé sert de refuge aux feuilles mortes qui viennent s’y perdre au fond. Quelques reclus de la société longent les murs pour disparaitre dans leurs chambres comme pour oublier ce monde qui les ignore.

Chambre 23. Beth y entre sans frapper, comme les instructions le stipulaient.

Le commissaire est là avec deux autres personnes aussi jeunes qu’elle.

— Voici votre équipe : Jake et Judith. Vous allez être les trois Caballeros, inséparables, ensemble quoiqu’il arrive. Vous ne remettrez les pieds au commissariat que lorsque je vous le dirai. Vous allez travailler sous couverture. Comme je vous l’ai dit, ce n’est pas mon idée. Non pas que je ne vous trouve pas compétents tous autant que vous êtes, mais simplement que vous êtes trop jeunes dans ce métier et que j’ai peur des conséquences si vous trouvez notre loup.

***

Le frottement s’arrête et Beth se sent soulevée de terre. Elle vole. Sa tête semble légère. Elle lutte, mais rien à faire. Bientôt, elle va pouvoir ouvrir ses yeux, elle perçoit un fin liseré blanc de lumière jaunâtre. Un choc sur le front la replonge dans son subconscient.

***

 Cela fait quelques mois que le petit groupe vit ensemble dans un appartement estudiantin pour faire illusion. Jake veut être le leader et tente de galvaniser les deux demoiselles qui perdent de jour en jour leur entrain. Judith boit littéralement ses paroles quant à Beth, elle s’est endurcie de plus en plus pour son rôle et elle agira comme bon lui semble le moment venu.

— Depuis cinq mois environ, chaque nuit de pleine lune, des jeunes filles disparaissent. Pas de liens entre elles. Pas de connaissance proche. De tous âges, conditions ou origines, résume Jake.

Sur un mur, les photos des victimes affichées sur une carte de la ville.

— On pense qu’il utilise un système de réseau social pour prendre contact. Facebook, Twiter, Tinder, etc., on n’en sait rien, poursuit Judith.

Beth écoute attentivement, elle sait que le meneur c’est elle, mais elle donne le change, car cela ne sert à rien de créer la discorde dans le groupe surtout si près du but, car elle le sent, c’est là.

***

Beth réussit à ouvrir les yeux et reprend connaissance assise, la tête posée sur la table.

Elle se redresse doucement.

Devant elle, un service pour deux personnes avec comme lumière, un feu qui brûle dans une cheminée.

Dans la cuisine, Peter sifflote un air joyeux en remuant un ragoût qu’il fait mijoter sur la gazinière.

Il hume les parfums et avec un air satisfait, rajoute une pincée d’herbes séchées.

Il apporte le plat qu’il dépose au centre de la table.

— Ah, vous êtes réveillée.

Il sert une copieuse portion dans l’assiette de Beth qui n’a pas du tout faim.

— Qu’est-ce que vous voulez ?
— Un dîner comme ce qui était convenu. Désolé pour la décoration, mais j’ai l’impression que la propriétaire n’a pas très bon goût.
— Vous savez qui je suis ?

Peter se redresse et sort de sa veste un portefeuille rouge. Il le montre à Beth avec un sourire.

— Mon portefeuille.
— Exact. Et dedans nous avons. Tadam!

Il sort une carte de police.

— Tiens, tiens, tiens. Qu’avons-nous là? « Agent spécial Bethinas Garreth ». Ben, dis donc, tu ne t’appelles pas Beth ma coquine. Continuons : Date de naissance « mars 1993 ». Hé, hé… Cela fait 22 et pas 17. Normal que ta maman ne veuille pas que tu sortes, tu te tromperais facilement sur l’heure du retour.
— Ce portefeuille n’était pas sur moi, il était avec Jake. Qu’avez-vous fait de lui ?
— Ton copain. Il est à côté.
— Je veux le voir.
— Mange d’abord et si tu es sage, je verrai ce que je peux faire.
— J’ai pas faim.

Peter hausse le ton et frappe un grand coup sur la table.

— MANGE. L’appétit vient en mangeant à ce qu’on dit.

Beth prend une ridicule petite bouchée.

— Je suis sûr que tu peux faire mieux.

Le regard haineux, elle plonge sa fourchette dans un morceau de viande qu’elle dévore.

— C’est un peu dur, hein! Ouais, je sais, manque de temps de cuisson.

Il s’installe en face d’elle et se sert une portion.

— Je veux voir Jake.

La phrase fige Peter dans son mouvement alors qu’il prend une bouchée.

Il se lève et va ouvrir la porte battante.

Jake, toujours en costume de superhéros, est au sol ligoté et bâillonné.

— Cela fait beaucoup moins intime maintenant.
— Qu’est-ce que vous allez faire de lui ?
— Lui ? Tu devrais savoir que les gars ne m’intéressent pas.
— Où sont Judith et Marguerite ?

Peter est surpris.

— Elle s’appelait Judith. Il a un petit mouvement de tête désinvolte. Marguerite n’est pas loin. Quant à Judith, elle doit être gelée dans mon coffre.

Jake se met à gesticuler et à gémir.

— Ah, je crois qu’il veut dire quelque chose. (Il se tourne vers le garçon.) Vas-y Jake. Soit pas timide. Parle-nous, on t’écoute.

Jake grogne et émet des sons inaudibles.

Peter regarde Beth en souriant.

— Il a un problème d’élocution ce garçon.

Il se rapproche de Jake et s’accroupit près de lui en l’attrapant violemment par les cheveux pour lui redresser la tête.

— Fais pas ton timide mon grand.
— Arrêtez. ARRÊTEZ. Vous lui faites mal.

Comme s’il n’avait pas entendu Beth, Peter regarde derrière la porte en mimant la surprise.

— Ah, c’est ça que tu veux nous dire. Il a retrouvé Marguerite.

Peter tend la main et attrape Marguerite par les cheveux pour que Beth voie son visage.

D’un mouvement, sec, il arrache le ruban adhésif de la bouche de Jake et se relève en tenant la tête coupée de Marguerite qu’il dépose brusquement sur la table.

Jake recrache le chiffon qu’il a dans la bouche.

— BETH. TU ES EN TRAIN DE LA MANGER.

Le regard de Beth change en regardant les morceaux dans son assiette.

Peter utilise la tête de Marguerite comme une marionnette en la déplaçant sur la table en rigolant.

— Je t’ai dit que la propriétaire n’avait pas bon goût.

C’en est trop pour Beth qui se détourne de la table pour vomir l’horreur de la situation.

Peter délaisse Marguerite pour s’approcher de Beth recroquevillée en deux.

— Allons, je pourrais me vexer. Je ne suis pas un grand chef, mais quand même.

Il s’approche de Beth pour l’attraper par les cheveux lorsque cette dernière bondit sur lui avec sa fourchette.

Elle enfonce toutes les dents dans son cou.

Peter, surpris du geste, a un mouvement de recul. Sa main cherche, en tremblant, l’instrument de sa perte et d’un coup sec l’extrait de sa chair.

Un flot de sang jaillit sur le visage de Beth qui hurle.

Sans perdre un instant, Beth attrape la cocotte en fonte avec les restes de Marguerite et la jette sur Peter.

Sous le choc et ébouillanté, ce dernier titube.

Avec l’aide de sa chaise, Beth le pousse dans le feu.

Peter s’embrase et rapidement il devient une torche vivante hurlant en courant dans la pièce.

Il passe au travers de la fenêtre pour demeurer inerte sur le sol gelé.

Par la vitre brisée, Beth voit des voitures de police arriver.

Le visage ensanglanté de Beth est éclairé par les gyrophares des voitures.

Sa main tient encore un barreau de chaise et le serre si fort que ses jointures en deviennent blanches.

Ses yeux sont révulsés par la rage et la peur et son souffle est rapide comme un animal.

Petit à petit, Beth retrouve son calme. Elle lâche la chaise.

Des larmes coulent le long de ses joues et bientôt, la tension relâchée, elle se met à pleurer à chaudes larmes en tombant à genoux en regardant ses mains.


Fin
 


 
 Épilogue


Beth, Jake et Judith, la zombie-prostituée, le super-héro et Sally sont à l’arrière d’une voiture de police qui les emmène au commissariat.

Judith se penche vers Beth.

— Il me faudrait une pilule du lendemain.

Beth, qui regardait par la fenêtre les yeux dans le vide, sort de sa torpeur.

— Quoi ?
— Il me faudrait une pilule du lendemain, répète Judith.

Beth regarde Judith d’un œil noir, puis Jake qui baisse la tête en essayant de se tasser sur la banquette.

— Quoi!… Qu... Quand!... Comm… Comment ?
— Ben! Comment, quoi ? Comment, tu sais comment.
— Non, je veux dire, comment cela s’est passé. Quand vous avez eu le temps de faire ça ?
— Pendant que tu étais en voiture avec le pervers. On a… on a… enfin, c’est fait alors, hein!... C’est juste qu’il me faudrait une pilule.
— Arrêtez-vous à une pharmacie, s’il vous plait, demande Beth au conducteur.

Le chauffeur bifurque dans deux rues, puis se stationne devant une pharmacie de nuit.

— Allez! dit Beth.

Judith ne bouge pas.

— Quoi ? l’interroge Beth les yeux grands ouverts.
— Je suis un peu gênée. Tu ne veux pas y aller. Toi.

Beth la regarde l’air ahuri.

— C’est pas vrai. C’est un vrai cauchemar. Et moi, alors.

Judith lui fait les yeux doux.

— Je t’accompagne si tu veux, dit Jake.
— Y’a intérêt parce que t’es un peu fautif quand même.

La zombie-prostituée et le superhéros descendent de la voiture de police pour entrer chez le pharmacien.

En passant la porte, Beth lève les yeux au ciel pour regarder la pleine lune.


 

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